Il arrive que le temps tel que le marque « officiellement » l’horloge, n’avance pas au rythme que nous pouvons désirer. Soit qu’il s’obstine à faire du surplace, si nous avons par exemple rendez-vous avec une personne que nous tenons en haute estime. Soit au contraire qu’il semble nous faire défaut, comme dans la légère panique qui peut saisir un étudiant avant un examen.
Mais peut aussi naître en nous l’envie d’en différer l’écoulement ( c’est le célèbre « O temps suspends ton vol » du poète) afin de mieux savourer le bonheur actuel. Mieux savourer, c’est à dire, paradoxalement , le savourer pendant un plus long temps….
Nous pressentons que le présent risque ainsi d’être peu saisissable et c’est déjà faire l’épreuve d’un passage (de la première à la deuxième syllabe) au terme duquel tout a basculé dans le passé.
Parce que le présent n’est rien de mieux que le point de contact, mouvant par définition, entre le passé et le futur, il y aurait en nous une radicale incapacité à y trouver un séjour. « Tout coule » disait le vieil Héraclite. Et l’homme s’écoule avec le tout. Jusqu’à la mort, ultime négation de la possibilité de trouver un site durable.
Cette non- coïncidence entre la conscience humaine et ce à quoi elle aspire, nous pouvons la nommer sa plus fondamentale aliénation : c’est au temps que nous la devons.